Nouveau régime de transfert intra-groupe : vers un début de consolidation fiscale ?

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Un mécanisme de transfert de pertes entre sociétés (ou établissements) appartenant à un même groupe a été mis en place à partir du 1er janvier 2019. Ainsi, une société profitable pourra désormais acheter les pertes de l’exercice d’une société liée déficitaire moyennant le paiement d’une compensation égale au montant de l’économie d’impôt réalisée. Ce transfert de pertes sera traité de manière extracomptable dans la déclaration fiscale des sociétés concernées à l’exception de la compensation susvisée qui fera l’objet d’un paiement.

Mécanisme applicable

La loi de réforme de l’impôt des sociétés du 25 décembre 2017 a mis en place un régime de consolidation fiscale basée sur le modèle scandinave.

Selon le régime mis en place, une société ‘profitable’ d’un groupe peut ‘acheter’ une perte à une société ‘déficitaire’ et porter cette perte en diminution de son résultat imposable. La société profitable devra bien entendu indemniser la société déficitaire par le paiement d’une compensation égale à l’économie d’impôt qu’elle aura réalisée. 

Le mécanisme susvisé (dénommé ‘déduction pour transfert intra-groupe’) permet ainsi de compenser, dans la déclaration fiscale des sociétés concernées, le résultat positif et le résultat négatif de sociétés appartenant à un même groupe. Ainsi, la société profitable pourra imputer la perte transférée sur son résultat fiscal tandis que la société déficitaire verra son résultat fiscal augmenté à concurrence de la perte transférée.

Le transfert des pertes devra également être formalisé dans une convention conclue entre les sociétés concernées.

Un mécanisme de transfert de pertes fiscales entre sociétés appartenant à un même groupe est possible depuis le 1er janvier 2019

Quelles sont les sociétés éligibles?

La déduction des ‘transferts intra-groupes’ n’est permise qu’entre sociétés belges (ou établissements belges de sociétés établies au sein de l’EEE).

Les sociétés concernées par le transfert intra-groupe doivent être liées dans les conditions suivantes :

•    Une des sociétés dispose d’une participation directe d’au moins 90% dans le capital de l’autre société.
•    Une société tierce détient une participation directe d’au moins 90% dans le capital des deux sociétés concernées par le transfert intra-groupe.

Les liens de participation susvisés doivent exister de manière ininterrompue depuis 5 ans. Des règles dérogatoires sont toutefois applicables aux sociétés nouvellement constituées issues d’une fusion ou d’une scission (partielle).

De plus, les sociétés concernées devront être soumises à l’impôt des sociétés sans bénéficier d’un régime dérogatoire (ex. sociétés d’investissement). Enfin, elles ne pourront pas mettre un bien immobilier (ou d’autres droits réels sur un tel bien) à la disposition d’un dirigeant d’entreprise (ou de son conjoint et/ou de ses enfants). 

Cette condition de participation minimale peut être illustrée à l’aide du schéma suivant:

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Dans l’exemple susvisé, A pourra transférer ses pertes à B et à C (ou inversement) si la condition susvisée de détention est remplie. Sous la réserve du respect de la condition de détention, B pourra transférer ses pertes à C (et inversement). Par contre, aucun transfert de pertes ne pourra intervenir entre A et D (ou entre B et D) en l’absence d’une participation directe entre les deux sociétés.

Il est à noter également qu’aucun transfert de pertes ne pourra être opéré entre deux sociétés sœurs si l’actionnaire commun est une personne physique.

Il est parfois nécessaire de revoir la structure juridique du groupe afin de pouvoir bénéficier du mécanisme de transfert des pertes fiscales

Quelles sont les pertes qui peuvent faire être transférées ?

Le montant des pertes qui peut faire l’objet d’un transfert est limité au montant de la perte de l’exercice. Il n’est dès lors pas possible de transférer les pertes fiscales accumulées au cours des exercices antérieurs. D’autre part, les autres déductions fiscales disponibles (ex. les revenus définitivement taxés) ne peuvent pas faire l’objet d’un transfert intra-groupe.

Quelle est la compensation à verser pour le transfert intra-groupe ?

Le transfert de pertes au sein d’un groupe entraînera a priori un enrichissement de la société bénéficiaire des pertes et un appauvrissement de la société qui a transféré ses pertes. La société bénéficiaire des pertes pourra, en effet, réduire sa charge fiscale à concurrence des pertes transférées et réalisera une économie d’impôt tandis que la société qui a transféré tout ou partie de sa perte perdra définitivement le droit d’utiliser la perte transférée.

Il est dès lors normal qu’une compensation soit versée par la société bénéficiaire des pertes à la société qui a transféré ses pertes. Cette compensation sera égale à l’économie d’impôt réalisée par la société bénéficiaire des pertes. 

Cette compensation devra faire l’objet d’un versement entre les deux sociétés concernées et devra être enregistrée dans la comptabilité des sociétés concernées (à la différence du transfert intra-groupe qui sera traité uniquement dans les déclarations fiscales des sociétés concernées). 

Ce versement n’aura cependant pas de conséquences fiscales étant donné que la charge supportée par la société bénéficiaire des pertes ne sera pas déductible fiscalement tandis que le produit comptabilisé par la société qui a transféré ses pertes ne sera pas imposable. 

Convention de transfert intra-groupe

Le montant du transfert intra-groupe devra être repris dans une convention de transfert intra-groupe conclue entre les sociétés concernées. Cette convention devra, en outre, décrire les obligations des sociétés concernées (paiement de la compensation pour la société bénéficiaire du transfert et reprise du montant du transfert intra-groupe dans la déclaration de la société qui a transféré sa perte fiscale). 

Cette convention ne peut concerner qu’une seule période imposable et devra être annexée à la déclaration à l’impôt des sociétés.

Un modèle de convention de transfert devra encore être  publié dans un Arrêté Royal. 

Entrée en vigueur

Cette nouvelle mesure est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2019 et est applicable à partir de l’exercice d’imposition 2020 se rattachant à une période imposable qui débute au plus tôt le 1er janvier 2019.  

Conclusion

Même si le régime de transfert intra-groupe constitue probablement l’une des mesures les plus novatrices de la récente réforme de l’impôt des sociétés, il est cependant regrettable que l’application de cette mesure soit soumise au respect de conditions trop strictes concernant (notamment) la définition des sociétés éligibles à un tel régime. 

Il est souhaitable que les conditions de participation décrites ci-dessus soient élargies lors d’une prochaine loi de réparation. 

Dans l’attente d’un tel élargissement des conditions d’application, nous recommandons que les groupes de sociétés adaptent le cas échéant leur structure (par exemple, par le recours à une société holding) de manière à pouvoir entrer dans le champ d’application de cette nouvelle mesure après l’expiration d’un délai d’attente de 5 ans.

Enfin, il nous reste à espérer que le régime de transfert intra-groupe susvisé ne constitue que la première étape dans la mise en place d’un véritable régime de consolidation fiscale à l’instar de ce qui existe chez nos pays voisins.

Si vous désirez plus d'informations à ce sujet, veuillez contacter votre gestionnaire de dossier ou Michel Beyaert, Tax Partner.